Petite, Sara Labrousse passait des heures avec masque et tuba dans les eaux de sa méditerranée natale, à observer les poissons, les algues, les crabes… Une école de la patience pour celle qui en 2014, passera plus de trois mois coupée du monde dans les îles Kerguelen à observer les éléphants de mer. C’est cette recherche d’osmose avec la nature qui a motivé tout le parcours de la post-doctorante. Sa carrière pourtant jeune, est déjà jalonnée d’expéditions dans des environnements extrêmes.
Originaire d’Antibes, Sara Labrousse a pendant des années partagé son temps entre ses deux amours : la natation synchronisée et l’océanographie. C’est cette double vie qui la mène jusqu’à Sorbonne Université, où le dispositif Sportifs de Haut Niveau va lui permettre de poursuivre sa carrière dans le sport, jusqu’à participer en 2012 aux Jeux Olympiques de Londres. Fascinée par le monde aquatique, rien ne prédisposait pourtant la méditerranéenne à étudier les écosystèmes polaires.
C’est après son master en océanographie et environnement marin au laboratoire d’océanographie et du climat (LOCEAN-IPSL) qu’elle choisit d’orienter sa thèse sur les prédateurs de la banquise antarctique. « J’ai commencé à me passionner pour cet environnement en thèse via l’étude des éléphants de mer du Sud ayant des stratégies d’alimentation particulières. Ils effectuent des voyages en mer de sept à huit mois pendant lesquels ils s’alimentent entre la mue et la reproduction. Certains de ces individus vont jusqu’en Antarctique pour s’alimenter sous la banquise ».
Elle entame sa thèse, avec pour but de comprendre l’écologie alimentaire des éléphants de mer sous la banquise. La chercheuse s’intéresse plus particulièrement à l’influence que peuvent avoir certains paramètres océanographiques sur ces comportements, et notamment dans des zones très difficiles d’accès : les polynies.
Ces étendues d’eau libre au milieu de la banquise, semblables à des trous de glace, sont encore peu étudiées malgré leur importance au niveau des océans, du climat et de l’écosystème antarctique. « Ce sont de véritables machines à production de glace, qui contribuent à la formation des eaux profondes et sont un accès à l’océan pour les oiseaux marins et à l’air pour les mammifères marins. Ce sont aussi les premières zones exposées à la lumière au printemps comparées aux zones couvertes de glace, et donc l’efflorescence du phytoplancton y est très importante rendant ces zones très riches biologiquement ».
Immersion en environnements extrêmes
Le parcours académique de Sara Labrousse a été ponctué d’expéditions dans des terres hostiles aux hommes, qui n’ont fait que nourrir toujours plus son admiration pour le monde animal. Lors de sa première expérience dans les îles Kerguelen en 2014, elle vit trois mois auprès des éléphants de mer, pendant la saison de reproduction. « Vivre à Kerguelen est très particulier. On est vraiment coupé du monde, sans connexion Internet, on s’éclaire à la bougie le soir… On passe nos journées entières dans la colonie, parmi les animaux… C’est extraordinaire » se souvient-elle.
Début 2017, elle embarque sur un brise-glace anglais au départ du Chili pendant deux mois, pour aller équiper de balises des phoques en Antarctique. Fin 2018, elle rejoint la base antarctique américaine McMurdo, pour participer à une opération de comptage de manchots empereurs en survol aérien… Dans un souci de transmission, elle a documenté ces deux campagnes dans des blogs. Elle a tenu à publier ces journaux de bord animée à la fois par l’envie de rendre accessible son travail scientifique, mais aussi de sensibiliser un maximum de gens à la protection de l’environnement et des espèces.
Si Sara Labrousse savoure ces temps forts dans son quotidien de chercheuse, elle mesure aussi sa chance d’avoir pu vivre de telles expériences. « De toute évidence, il va falloir restreindre de plus en plus les observations sur place, car même dans ces conditions notre empreinte carbone est non négligeable. »
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