Née à Florence en Italie, Sara Sergi est en licence à l’université de Paris (anciennement Paris Diderot) lorsqu’elle découvre sa vocation. Elle assiste alors à une conférence donnée par la grande mathématicienne Isabelle Gallagher, qui met en évidence l’utilisation des mathématiques dans la compréhension des dynamiques des océans. Fascinée, l’étudiante en mathématiques et géographie se fixe pour objectif de découvrir le monde marin de plus près en commençant par la géomorphologie marine.
Elle part un an en échange universitaire à Québec. Débarquée à l’université Laval, elle se plonge dans l’univers des fonds marins, dont certains recoins « sont moins bien connus que la surface de la Lune” s’amuse-t-elle à rappeler. « Ce qui m’a attirée, c’est ce mystère, qui prête à rêver. Quand on étudiait par exemple les cicatrices d’Iceberg, ces traces profondes causées par le passage d’énormes blocs de glace au fond des mers… Cela évoquait pour moi tout un monde méconnu et les histoires fabuleuses qui vont avec. »
À son retour en France elle met le cap vers Marseille, et intègre un master en océanographie. « L’enseignement universitaire en France est très pluridisciplinaire, cela m’a permis de m’ouvrir à plein de disciplines : la biologie, la physique, la chimie… » Jusqu’à avoir une nouvelle révélation en assistant au cours de Francesco d’Ovidio (LOCEAN-IPSL), son futur directeur de thèse. Il y démontre la façon dont les courants affectent les déplacements des grands animaux, tels que les éléphants de mer.
Captivée par le sujet, Sara Sergi se lance dans sa thèse : étudier comment certains processus physiques dans l’océan austral modifient les écosystèmes pélagiques (en pleine eau, par opposition aux organismes benthiques, qui vivent au fond des mers). « Le courant est très fort dans l’océan austral et cela affecte l’ensemble de l’écosystème” tient à préciser la doctorante. « L’idée est notamment d’analyser les déplacements des animaux à l’aide de capteurs, et comprendre quels processus physiques les poussent à aller à certains endroits, jusqu’à créer de véritables hotspots. »
Préserver les fonds marins
Grâce à son travail, elle participe à la stratégie de conservation mise en place par la commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR). « L’objectif fixé par la convention est de mettre en place un réseau d’aires marines protégées représentatif de la variété des habitats, des assemblages d’espèces et des processus écosystémiques », explique-t-elle.
« Or il faut pour cela comprendre les processus océaniques qui ont un effet sur les écosystèmes, ce qui est au cœur de mes recherches. » Sara Sergi abreuve le conseil scientifique de ses observations, pour l’aider à la décision. Elle s’intéresse particulièrement aux îles Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam, qui sont selon elle de véritables oasis pour certaines espèces tant leur écosystème est riche. Cette zone a été choisie pour faire partie du projet d’extension du réseau de réserves naturelles nationales prévu par le gouvernement français visant à protéger 30% de l’espace marin français d’ici 2022.
Si la jeune scientifique s’appuie principalement sur des données satellites pour mener ses recherches, elle se réjouit à l’idée de partir bientôt pour sa première campagne sur le terrain, avec le programme d’études des océans GEOTRACE. Elle aura pour mission principale de modéliser les sources hydrothermales, ces sources d’eau chaude observées au niveau des dorsales océaniques entre 1000 et 3000 mètres de profondeur et qui enrichissent les eaux en éléments nutritifs. L’objectif est d’aider à mieux comprendre leur impact sur les écosystèmes pélagiques à la surface de l’océan. Avant de revenir soutenir sa thèse en France, elle tient à connaître le fonctionnement d’une réserve naturelle de l’intérieur. Pour cela, elle projette de jeter l’ancre à la Réunion.