Antarctique : quelles variations de température depuis la dernière glaciation ?


  • Des scientifiques ont établi les estimations les plus fiables à ce jour des variations de températures passées en Antarctique.
  • Ils soulignent des différences notables entre les fonctionnements de l’Antarctique de l’Ouest et de l’Est.
  • Cette étude permet de tester et de consolider les projections climatiques futures.

L’Antarctique a connu des changements de température conséquents, notamment depuis la dernière période glaciaire. Une collaboration internationale impliquant des scientifiques du CNRS1 vient de remettre en question les estimations précédemment admises de ces variations grâce à de nouvelles mesures publiées le 4 juin 2021 dans Science. Leur étude met en évidence les différences entre les fonctionnements de l’Antarctique de l’Est et de l’Ouest, liées notamment à des variations différentes de leur altitude.

Les températures à la surface de l’Antarctique ont fortement augmenté depuis la dernière glaciation.  Comprendre cette évolution s’avère crucial afin d’étudier les changements climatiques à toutes époques et de tester notre aptitude à les modéliser. Une étude impliquant des scientifiques français fournit les estimations les plus fiables à ce jour des variations de températures passées en Antarctique. Alors que le réchauffement depuis le glaciaire était estimé à +9°C sur l’ensemble du continent, les nouvelles mesures révèlent une variation s’élevant à +10°C en Antarctique de l’Ouest et entre +4 et +7°C en Antarctique de l’Est.

Jusqu’à présent, les scientifiques estimaient les températures anciennes en utilisant un thermomètre isotopique, c’est-à-dire en analysant la proportion de formes isotopiques de l’eau. Cependant, la précision de cette méthode repose une calibration difficile à mettre en place en Antarctique. Deux nouvelles méthodes indépendantes ont ainsi été mises en œuvre afin de pallier ce problème. La première consiste à mesurer la température dans les trous de forage obtenus après carottage2. La grande épaisseur des couches de glace en Antarctique permet en effet de garder une trace et de reconstituer les températures passées. La seconde méthode se base sur le processus de densification de la neige, sensible à la température et détectable par l’analyse de l’atmosphère piégée dans les carottes de glace. Ces deux mesures ont donné des résultats similaires, confirmant leurs fiabilités.

Ces travaux mettent en évidence le rôle joué en Antarctique par les variations d’altitude de la glace sur les changements de température. Ils reflètent les différences marquées entre l’Antarctique de l’Est dont l’altitude a légèrement augmenté depuis l’époque glaciaire et l’Antarctique de l’Ouest qui s’est considérablement abaissée. Ces données ont été confrontées à des modèles climatiques3, afin d’affiner la compréhension des changements des températures passées et d’avoir une meilleure confiance dans les projections futures.

Pour en savoir plus

Référence

Antarctic surface temperature and elevation during the Last Glacial Maximum, C. Buizert, T.J. Fudge, W. H. G. Roberts, E. J. Steig, S. Sherriff-Tadano, C. Ritz, E. Lefebvre, J. Edwards, K. Kawamura, I. Oyabu, H. Motoyama, E. C. Kahle, T. R. Jones, A. Abe-Ouchi, T. Obase, C. Martin, H. Corr, J. P. Severinghaus, R. Beaudette, J. A. Epifanio, E. J. Brook, K. Martin, J. Chappellaz, S. Aoki, T. Nakazawa, T. A. Sowers, R. B. Alley, J. Ahn, M. Sigl, M. Severi, N. W. Dunbar, A. Svensson, J. Fegyveresi, C. He, Z. Liu, J. Zhu, B. Otto-Bliesner, V. Y. Lipenkov, M. Kageyama et J. Schwander.  Science, le 4 juin 2021. DOI : 10.1126/science.abd2897

Notes

1 Ces travaux ont impliqué en France des chercheuses et des chercheurs de l’Institut des géosciences de l’environnement (OSUG, CNRS/IRD/Université Grenoble Alpes/Grenoble INP) et du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (IPSL, CNRS/UVSQ/CEA).

2 Les équipes françaises ont fourni et interprété les mesures de température effectuées dans le trou de forage Epica à Concordia ainsi que des analyses de l’atmosphère passée à partir des carottes de glace. Les mesures fournies dans le trou de forage Epica ont été rendues possibles grâce aux financements récurrents de l’Institut polaire français IPEV.

3 L’étude utilise notamment les simulations de 14 groupes de modélisation participant au projet international PMIP (Paleoclimate Modeling Intercomparison Project) initié et coordonné par le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (IPSL, CNRS/UVSQ/CEA).

Source : communiqué de presse du CNRS.

 

Service de presse du CNRS


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Coraline Leseurre

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Coraline Leseurre, qu’est-ce qui vous a mené en thèse de doctorat ? Après avoir eu mon Bac S, c’est par hasard en dernière année de licence (L3) de chimie à l’Université Pierre et Marie Curie, que j’ai choisi l’option sciences de l’atmosphère et de l’océan. En fin de licence, j’ai eu la chance de pouvoir effectuer un stage de 6 mois au LOCEAN-IPSL sur des données océanographiques. Je suis ensuite partie à l’Institut Universitaire Européen de la Mer à Brest pour faire un master en chimie marine. J’ai complété ma formation à l’université d’Aix-Marseille en rejoignant le M2 d’Océanographie Physique et Biogéochimie. Pendant ces trois années, j’y ai fait 3 stages de master au LOCEAN-IPSL avec Claire Lo Monaco et Gilles Reverdin et, par la même occasion, mes premières campagnes en mer. En 2019, j’ai débuté ma thèse de doctorat sur les mécanismes de contrôle de l’absorption de CO2 anthropique et de l’acidification des eaux dans les océans Atlantique-Nord et Austral, au LOCEAN sous la direction de Gilles Reverdin et Claire Lo Monaco. Coraline Leseurre, en arrière plan le Marion Dufresne @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   En quoi consiste votre travail ? Je suis impliquée dans deux programmes d’observation français : SURATLANT (SURveillance de l’ATLANTique) et OISO (Océan Indien Service d’Observation). SURATLANT (dirigé par Gilles Reverdin depuis sa création en 1993) a  initié l’échantillonnage des propriétés hydrologiques et biogéochimiques dans les eaux de surface de l’océan Atlantique-Nord et un suivi particulier sur la salinité de surface, afin d’améliorer la compréhension de son rôle sur la variabilité et la prévisibilité du climat et du cycle de l’eau. Dans ce but, deux à quatre transits sont réalisés par an, entre Reykjavik (Islande) et Terre-Neuve (Canada) à bord de navires marchands. OISO (créé en 1997 et dirigé par Claire Lo Monaco) a pour but de maintenir l’observation de l’évolution des propriétés océaniques et atmosphériques liées au cycle du carbone dans l’océan Indien Sud et Austral. Une à deux campagnes sont réalisées par an entre La Réunion et les Terres Australes et Antarctiques Françaises, à bord du navire Marion Dufresne. Mon travail consiste donc à mesurer et traiter différents paramètres liés au cycle du carbone, échantillonnés lors de campagnes en mer. Je m’intéresse plus particulièrement à leurs évolutions dans le temps au travers de ces deux services d’observation, en surface et dans la colonne d’eau. J’ai d’ailleurs participé à la mission internationale SWINGS de janvier à mars 2021, dont le but était de mieux comprendre la séquestration du CO2 atmosphérique dans l’océan. Parallèlement à ma thèse, depuis un an et pour une durée de 3 ans, j’enseigne à des Licences (L1 et L3) et des Master. J’assure au minimum 64h de cours par an et souvent en binôme avec Céline Ridame (enseignante-chercheure au LOCEAN-IPSL) dans le cadre de cours/TD de biogéochimie marine. Cette année, j’ai principalement été responsable de TD sur l’orientation et l’insertion professionnelle (en L1 et L3), en conseillant les étudiants dans le choix de leur licence et master, dans la rédaction de leur CV et lettre de motivation pour candidater à des stages.   Pourquoi la recherche ? Une évidence, le hasard ? Bien que n’étant pas issue d’une famille de scientifiques, j’ai toujours été très intéressée par la science en général et par la découverte, l’aventure. Il fallait que je tombe dedans de toute façon, c’est fait ! Plus les années passent, plus je me dis que c’est une évidence !   Votre métier en trois mots Observation : le but des campagnes en mer est d’obtenir des données pour observer Interprétation : regrouper les données, comprendre les mécanismes Transmission : partager mes recherches dans des publications scientifiques, échanger à l’occasion de colloques et conférences, participer à des actions scolaires et grand public comme la Fête de la Science   Si votre travail était un objet, ce serait quoi ? Sans hésiter, un échantillon d’eau de mer, qui provient de l’eau récupérée dans les bouteilles Niskin sur la rosette. C’est le point de départ de tout mon travail, de mes études sur le CO2. Pour le commun des mortels, il n’y a que de l’eau dans un flacon. Pour nous, océanographes, ce flacon est la plus précieuse des ressources. D’ailleurs, le plus beau des cadeaux que j’ai pu recevoir lors de mes campagnes, c’est un échantillon d’eau de mer profonde (5 800 m, cette année sur SWINGS). La rosette et ses bouteilles Niskin d’où les échantillons d’eau seront prélevés @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Prélèvement de l’échantillon d’eau sur la rosette @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Les fameux échantillons @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Une anecdote de campagne Cette année sur SWINGS : réveillée à 3 h du matin par la sonnerie de mon téléphone de cabine puis par des coups tambourinés à la porte « Coralineeeee ! Habille-toi ! Sors maintenant ! Aurores Australes ». Le plus beau des réveils ! Aurores australes @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Comment voyez-vous votre avenir après la thèse ? Après obtention de mon doctorat, normalement en 2022, j’aimerais continuer à travailler dans le même domaine de recherche en tant que post-doctorante pendant environ 5 ans, de façon à approfondir les résultats de mes recherches et à en découvrir de nouveaux, faire de nouvelles rencontres scientifiques, en France ou ailleurs. Etant donné mon attrait pour l’enseignement, d’ici à 10 ans je souhaiterais être enseignante-chercheure, même si je sais que les postes ne sont pas nombreux. Si je ne trouve pas de poste, je pourrais devenir ingénieure pour continuer à évoluer dans la recherche. Sinon, étant donné que j’adore l’enseignement et partager avec les jeunes, j’irais volontiers travailler en collège ou en lycée comme professeur de Physique Chimie.   Votre mot de la fin J’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours d’étudiante de côtoyer tôt l’océanographie depuis mon stage de L3. Tous les étudiants n’ont pas cette opportunité et, cumuler 5 grandes campagnes en mer en seconde année de thèse est très rare. J’ai aussi eu la chance de pouvoir débarquer sur Crozet et Kerguelen et de voir d’autres îles subantarctiques et polaires comme Heard. J’en suis vraiment heureuse ! Débarquement du Marion Dufresne en direction de l’archipel Crozet @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Au large de l’île subantarctique australienne Heard @ C. Leseurre, LOCEAN-IPSL   Contact : ICom, service de communication IPSL,